Stratégies nationales de sécurisation et de stockage des armes légères et de petit calibre (ALPC) en France

Le sujet des armes légères et de petit calibre (ALPC) est au cœur des préoccupations actuelles de sécurité publique et de lutte contre la criminalité. En France, par exemple, leur circulation illégale crée une réelle menace pour l’ordre public. On retrouve en effet leur utilisation tant dans les violences urbaines, les trafics criminels que certains actes terroristes. Les questions des ALPC impliquent donc des défis importants sur plusieurs thématiques telles que la traçabilité, la prévention des détournements ou le contrôle effectif des armes en circulation. 

Afin d’y répondre, la France dispose d’un cadre réglementaire ferme, l’un des plus stricts d’Europe, encadrant la possession, le stockage et l’utilisation des ALPC. Ce cadre dispose de différents mécanismes. Il repose par exemple sur une classification des armes en fonction de leur dangerosité, d’exigences précises sur les moyens de stockage ou des outils technologiques permettant de limiter les risques de détournement. Malgré ces efforts, on observe néanmoins des failles qui subsistent comme le démontrent les vols d’armes au sein des forces de sécurité ou les détournements d’armes initialement destinées aux usages civils et sportifs.

ALPC en France

Sécurisation des ALPC en France : quel cadre réglementaire ?

Les ALPC regroupent un large panel d’armement. En France, elles sont réparties en plusieurs catégories selon leur dangerosité, comme stipulé dans le Code de la sécurité intérieure. Le cadre réglementaire français sur les ALPC s’appuie sur un ensemble de textes nationaux et internationaux. La législation française encadre strictement leur détention et leur usage en légiférant sur les conditions d’accès et la sécurisation des stocks. Toutefois, l’application réelle de ces mesures reste parfois floue, ne permettant pas pleinement d’éviter les détournements et usages illicites. 

Le Code de la sécurité intérieure distingue quatre catégories principales. La catégorie A regroupe les armes interdites aux civils, comme les armes de guerre, les lance-roquettes et les explosifs. La catégorie B, les armes soumises à autorisation préfectorale, notamment les pistolets semi-automatiques et les fusils à pompe. La catégorie C concerne les armes soumises à déclaration, telles que les fusils de chasse et les carabines de tir sportif. Enfin, la catégorie D comprend les armes en vente libre mais réglementées, comme certaines armes blanches, les armes historiques et les armes à impulsion électrique.

Pour acquérir une arme de catégorie B, il faut souscrire une autorisation préfectorale, délivrée uniquement sous des conditions strictes : justification d’un motif légitime, certificat médical, absence de casier judiciaire, entre autres. Quant à la catégorie C, une simple déclaration est suffisante. 

En complément de ces mesures, la loi n°2012-304 du 6 mars 2012 est venue renforcer le contrôle des armes avec l’obligation d’un suivi plus strict des transactions et une meilleure traçabilité des armes enregistrées. De plus, depuis 2020, le Système d’Information sur les Armes (SIA) facilite le suivi administratif des autorités en centralisant les données des armes détenues par les professionnels et les particuliers.

Les dispositifs de sécurisation et de stockage des ALPC en France

En France, il existe différents mécanismes de sécurisation et de stockage des ALPC. Ces derniers s’appuient sur des protocoles stricts adaptés au type de détenteur (institutionnel, professionnel ou particulier). Pour les particuliers par exemple, il est exigé que les armes de catégories B et C soient stockées déchargées, séparées des munitions et gardées sous coffres-forts sécurisés ou armoires blindées. L’objectif de ces mesures restrictives est de faire baisser les risques de vol ou d’usage non autorisé. Les institutions publiques ayant des stocks d’ALPC (forces de l’ordre, militaire etc.) sont quant à elles soumises à des contrôles encore plus vigoureux. Enfin, des technologies innovantes comme la traçabilité RFID ou le verrouillage biométrique commencent lentement à se mettre en place mais restent malgré tout limitées en raison de leurs coûts élevés.

La gestion des ALPC au niveau étatique repose sur un ensemble d’acteurs aux responsabilités bien définies. L’État s’implique par exemple à travers le ministère des Armées ou le ministère de l’Intérieur. Les douanes jouent un rôle essentiel puisqu’elles sont en première ligne dans la lutte contre les trafics illégaux d’ALPC. Ces derniers sont renforcés par nos forces de l’ordre qui interviennent pour démanteler les réseaux criminels. Ensemble, ils assurent donc la régulation des flux illégaux d’ALPC en France.

Les fabricants d’armes et les sociétés de sécurité du secteur privé se voient eux aussi dans l’obligation de se conformer aux normes et réglementations en termes de stockage et traçabilité. Enfin, certaines ONG et associations surveillent l’application des lois et formulent des recommandations pour renforcer la régulation. L’efficacité de la gestion des ALPC repose donc sur une coopération étroite entre ces différents acteurs, publics comme privés.

Analyse critique des stratégies de sécurisation et de stockage des ALPC en France

Il est évident, après une rapide analyse du cadre législatif, que la surveillance institutionnelle française sur les ALPC contribue indéniablement à limiter les risques d’utilisation illicite ou accidentelle. En plus de son rôle actif au niveau national, la France s’implique aussi à l’international avec des initiatives comme le Traité sur le Commerce des Armes (TCA), renforçant ainsi la régulation et la sécurité au niveau mondial.  

 

Cependant, il semble nécessaire de contraster un petit peu ce constat. En effet, la mise en place des règles de stockage ne semble pas répartie de manière vraiment adéquate. Différents rapport pointent du doigt le manque cruel de contrôle sur le terrain. Certains acteurs privés, comme des armureries ou des particuliers, ne respectent pas les exigences en matière d’équipement de stockage, soit par négligence soit par manque de moyens financiers. Les institutions publiques ne sont pas exemptes de critiques non plus. Les stocks d’ALPC des forces armées ou des forces de l’ordre sont aussi menacés de vols ou de détournements, représentant un risque non négligeable. Enfin, le trafic illicite d’armes transitant à travers les frontières par le biais de réseaux criminels reste une problématique des plus préoccupantes. 

 

Une sécurisation renforcée des ALPC : entre défis et perspectives pour la France

En analysant les stratégies nationales de sécurisation et de stockage des ALPC, il ressort que l’État prend cette question au sérieux et agit, mais aussi qu’une marge d’amélioration reste possible et surtout souhaitable. Bien que nous disposions d’un cadre législatif audacieux, une vigilance accrue s’impose, ainsi qu’un renforcement des dispositifs existants.

En analysant d’autres modèles dans nos voisins européens, il est possible d’identifier des pistes d’améliorations intéressantes. L’Allemagne et la Suisse ont développé une approche combinant restriction renforcée sur la possession d’armes automatiques avec un contrôle civilo-militaire. La France pourrait s’en inspirer en durcissant par exemple les contrôles sur les armes de gros calibres ou automatiques.  

Un autre exemple inspirant pourrait être celui de pays comme la Colombie, l’Argentine ou le Brésil. Ces derniers ont mis en place différents programmes de désarmement volontaire, soutenus par de nombreuses campagnes de sensibilisation ou des incitations financières. Bien que la France privilégie aujourd’hui la traçabilité et la sécurisation des ALPC, l’introduction d’un tel dispositif pourrait se révéler complémentaire pour juguler la quantité d’armes en libre circulation. 

Pour résumer en quelques mots nos recommandations : intensifier les contrôles sur le terrain, intégrer plus largement l’utilisation de technologies avancées comme le système RFID, et mettre en place des campagnes de désarmement volontaire. Ces mesures contribueraient à réduire les stocks d’armes en circulation et, par extension, les risques de violences associées.

La France doit continuer de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la violence armée à travers des politiques ambitieuses et pragmatiques, mais surtout adaptées aux enjeux contemporains. La capacité de l’État à anticiper et répondre efficacement à ces problématiques sera déterminante pour l’avenir de la sécurité nationale et l’image du pays à l’international. 

Marco Zerneri, Vice-président de la Commission spéciale dédiée à l’Industrie des ALPC de l’INAS

L’INAS a pour mission de contribuer au débat public sur les questions stratégiques. Ses publications reflètent uniquement les opinions de leurs auteurs et ne constituent en aucune manière une position officielle de l’organisme.

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